Entretien avec Charlène Boulanger, restauratrice

La Fondation Mérimée, avec le soutien du Crédit Agricole Mécénat d’Ile-de-France Mécénat, a accordé en 2020 une bourse d’études de 4 000 € à Charlène Boulanger, alors étudiante en dernière année à l’École de Condé. Pour valider son diplôme en conservation et restauration du patrimoine, Charlène a travaillé durant une année complète à la restauration d’un corpus d’œuvres qu’elle a choisi, quatorze dessins de Louis-Robert Antral, réalisés pendant la Première Guerre mondiale. Nous l’avons rencontrée deux ans après l’obtention de sa bourse, désormais diplômée et en activité.

Fondation Mérimée (F.M.) : Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit vers le métier de restauratrice du patrimoine ?

Charlène Boulanger (C.B.) : Après l’obtention de mon baccalauréat, j’ai d’abord commencé des études de cinéma mais mes expériences de stage ne m’ont pas vraiment plu. C’est une de mes connaissances qui m’a parlé pour la première fois de l’École de Condé car elle venait d’être admise dans leur établissement à Lyon. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été passionnée par l’histoire de l’art et j’ai assez tôt ressenti le besoin de faire quelque chose de mes mains. Comme j’étais davantage attirée par les techniques d’artisanat que par la création, le métier de restaurateur me permettait de rassembler tout cela. Je me suis ensuite spécialisée en arts graphiques.

F.M. : La Fondation Mérimée, grâce au soutien du Crédit Agricole Mécénat d’Ile-de-France Mécénat, vous a attribué une bourse pour mener à bien votre projet de fin d’études. Pouvez-vous nous le présenter ?

C.B. : À l’École de Condé, la dernière année de master est dédiée à une œuvre que l’on choisit d’étudier et de restaurer. Mon choix s’est porté sur une série de dessins de Louis-Robert Antral, réalisés dans les tranchées pendant la Première Guerre mondiale. L’œuvre de Louis-Robert Antral est colossale et j’ai eu la chance de rencontrer un collectionneur privé qui possède une centaine de ses dessins. Au-delà de la grande qualité graphique de ces œuvres, j’étais fascinée par leur histoire.

F.M. : Quelles ont été les étapes pour mener à bien cette restauration ?

C.B. : J’ai d’abord opéré un tri pour identifier les œuvres qui avaient le plus besoin d’être restaurées, ce qui m’a amené finalement à travailler sur un corpus de quatorze dessins. Cette restauration a été un défi pour deux raisons : d’abord, pour les conditions précaires qui ont été à l’origine de la création des dessins, dans les tranchées, puis du fait de leur dégradation au fil du temps. Tout l’enjeu de mon travail a été de décider ce qu’il fallait restaurer ou laisser en l’état. Que faire des tâches ? Des lacunes ? Il a fallu chacune les interpréter pour essayer de discerner s’il s’agissait d’altérations contemporaines à leur création ou s’il s’agissait d’altérations postérieures. Il a été très complexe de dater ce type de dégradations, sachant par ailleurs qu’il y a eu une grande pénurie de papier durant la Grande Guerre, rendant très difficile de s’en procurer, ce qui explique que les soldats utilisaient souvent du papier de réemploi. Ce faisant, j’ai pris le parti de garder visibles les altérations faisant référence au contexte de création dans les tranchées.

Chaque œuvre a ensuite été traitée individuellement, dépoussiérée et consolidée lorsqu’il y avait des déchirures et des lacunes. Il a fallu parfois combler celles qui étaient trop instables. J’ai également travaillé sur un conditionnement adapté pour les recevoir, permettant d’éviter de manipuler directement les dessins et d’assurer leur pérennité.

J’ai dû limiter mon projet de fin d’études à ces quatorze dessins mais bien sûr les autres œuvres qui complètent cette série vont aussi faire l’objet d’un traitement de conservation préventive.

F.M. : Que vous a apporté la bourse d’études de la Fondation Mérimée ?

C.B. : Cette bourse d’études apporte une aide et une visibilité importantes à un moment crucial de notre formation, juste avant notre insertion dans la vie professionnelle. Personnellement, ma bourse m’a été très précieuse pour l’achat du matériel nécessaire à la restauration des dessins de Louis-Robert Antral, notamment pour la partie conditionnement qui est un poste de dépense assez dispendieux. La bourse m’a aussi été très utile pendant la période de mon stage que j’ai réalisé à Arles.

F.M. : Comment envisagez-vous la suite ?

C.B. : En juillet 2021, j’ai réalisé mon stage de fin d’études dans l’atelier de Cédric Lelièvre, à Arles, et je travaille aujourd’hui dans l’atelier de Bertrand Dujardin, à Lyon. J’ai pour le moment encore besoin d’apprendre et de m’entourer de restaurateurs expérimentés. J’aurai peut-être le désir, un jour, de fonder mon propre atelier.