En 2021, les propriétaires du château de Bournazel (Aveyron), du château de Lassay (Mayenne) et des jardins d’Ainay-le-Vieil (Cher) ont été récompensés pour l’immense travail de restauration qu’ils ont entrepris ces dix dernières années. Nous vous invitons aujourd’hui à découvrir ces chefs-d’œuvre restaurés grâce à l’obstination et la passion de leurs propriétaires.
Le château de Bournazel, lauréat du Grand Trophée des monuments

Dans un paysage verdoyant et vallonné de l’ouest aveyronnais, entre Rodez et Villefranche de Rouergue, le château de Bournazel sommeillait, laissé à l’abandon depuis plusieurs décennies. Le monument était voué à une lente disparition jusqu’au jour où Gérald et Martine Harlin décident de l’acquérir, animés par la volonté de ressusciter le lieu et de l’ouvrir au public. Lors de leur première visite, en 2006, l’aile est du château avec sa galerie inspirée de l’architecte italien Sebastiano Serlio (1475-1554) est en grande partie détruite, un seul mur se trouvant encore debout. L’aile nord, quant à elle, porte les stigmates de sa transformation au XXème siècle en maison de convalescence. « Les cheminées monumentales avaient été percées pour créer des ventilations et tous les sols d’origine avaient disparu. À l’extérieur, le jardin n’était qu’une vaste jachère et la cour était devenue un parking », se souviennent Gérald et Martine Harlin. En 2008, le couple confie à Bernard Voinchet, architecte en chef des monuments historiques, une étude et un diagnostic complet sur l’état du monument pour pouvoir lancer au plus vite les premiers travaux.
S’ensuivent quinze années de grands chantiers, au cours desquelles les propriétaires s’attachent à restaurer l’existant et également à restituer les volumes du château initial. Grâce aux huit cents éléments issus des bâtiments démolis qui ont été retrouvés sur place, l’aile nord qui abritait autrefois l’escalier d’honneur est restituée selon le principe de l’anastylose, avec l’accord de la Commission nationale des monuments historiques obtenu en 2015. En parallèle, grâce aux archives et à une campagne de fouilles archéologiques, le jardin est recréé dans son état connu entre 1542 et 1561, comprenant neuf parterres.

Photographie : Éric Sander.
Aujourd’hui, le château de Bournazel accueille plus de 15 000 visiteurs à l’année. Restauré dans l’état qui était le sien à la Renaissance, le monument a également été entièrement remeublé et doté d’une collection d’objets d’art, de peintures et de sculptures datant des XVIème et XVIIème siècles. À l’emplacement des caves, un auditorium a pris place, dont l’acoustique a été étudiée spécifiquement pour jouer de la musique baroque, permettant de développer une offre culturelle intimement liée au lieu.

Photographie : Éric Sander.
Ainay-le-Vieil, lauréat du Grand Trophée des jardins
Forteresse construite au XIIIème siècle, le château d’Ainay-le-Vieil est doté en 1467 d’un corps de logis et de canaux créés à partir d’un ruisseau existant. Au milieu du XIXème siècle, ces jardins d’eau Renaissance sont complétés par un parc paysager, un potager et des chartreuses.

En 1984, une terrible tempête ravage le sud du parc qui ne laisse sur son passage qu’un amas d’arbres au sol. C’est le point de départ d’une grande campagne de travaux, initiée par Marie-Sol de La Tour d’Auvergne, alors propriétaire du château en indivision avec sa mère et ses cinq frères et sœurs. En collaboration avec le paysagiste Pierre Joyaux, la première étape a été la création de la roseraie, qui compte aujourd’hui 160 variétés de roses anciennes. S’ensuit la réhabilitation des cinq chartreuses, où Marie-Sol de La Tour d’Auvergne pense scrupuleusement chaque espace afin d’évoquer l’évolution de l’art des jardins.
À partir de 2010, les douves du château et les berges des canaux qui entourent le Grand Carré en l’Île de la Renaissance sont aussi restaurées et de nouveaux jardins sont créés. Ce chantier sera supervisé par Alexandra de La Tour d’Auvergne, paysagiste et fille de Marie-Sol.

Fruit d’une longue réflexion, la protection et la valorisation des jardins d’Ainay-le-Vieil ont nécessité trente-sept années de dur labeur. Désormais classés au titre des monuments historiques et labellisés « Jardin remarquable », ils attirent chaque année près de 15 000 visiteurs.

Le château de Lassay, Coup de cœur du jury
Une première forteresse est construite à Lassay dès le XIème siècle mais celle que l’on connaît aujourd’hui date de 1458. Si depuis 1823 le monument s’était transmis sans grandes difficultés par héritage dans la même famille, les ravages provoqués par la tempête de 1999 avaient rendu son entretien très problématique. Son état s’est ainsi progressivement détérioré jusqu’à mettre gravement en péril le château. C’est alors qu’Aymeri et Cecilia de Montalembert décident de reprendre les rennes : « ce contexte a précipité la transmission en 2014 et conduit à une sortie d’indivision dans le but d’enclencher les premiers travaux d’urgence. Nous anticipions à l’époque l’effondrement imminent de la charpente d’une des huit tours qui, de surcroît, surplombait la voie publique. C’était un cas de force majeure et un pari car nous ne disposions que des fonds suffisants pour la première intervention, » précise Cecilia.

Photographie : Pascal Beltrami.
Dès la première année, ils sécurisent les accès autour du château et lancent les travaux. De juin 2014 à mai de l’année suivante, la tour qui menaçait ruine se voit ainsi dotée d’une charpente entièrement neuve car rien ne pouvait être sauvé de la précédente. Très vite, un désordre structurel est identifié sur le châtelet d’entrée, nécessitant une nouvelle intervention d’urgence. Ce désordre était dû à l’adjonction d’une aile d’habitation au XVIIème siècle qui, après sa suppression au XIXème, a eu pour effet de fragiliser le châtelet d’entrée. À partir de 2015, les travaux s’enchaînent : les deux tours du châtelet d’entrée sont restaurées, le pont-levis est remplacé, le portail d’entrée de la cour d’honneur est remis en place, les parties du château touchées par la mérule sont traitées et, pour finir, la restauration d’une nouvelle tour est achevée en 2020.
Pour Aymeri et Cecilia de Montalembert, l’objectif est à terme que le château crée son propre écosystème et parvienne à une relative autonomie économique sans tomber dans la muséification ou la mise en exploitation commerciale. Aidés par l’association des Amis du château de Lassay, ils s’attachent à créer une vie culturelle qui participe au rayonnement du monument : concerts, expositions, reconstitutions historiques, etc.

Photographies : E. Bellet et Pascal Beltrami.