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Entretien avec Anna Beaumont, restauratrice du patrimoine et boursière de la Fondation Mérimée

En 2023, la Fondation Mérimée a accordé une bourse d’études de 3 000 € à Anna Beaumont, alors étudiante en dernière année à l’Institut national du patrimoine (Inp). Pour son projet de fin d’études, Anna s’est consacrée une année entière à la restauration d’une statuette appartenant au musée Carnavalet, à Paris. Nous l’avons rencontrée une fois ce travail de restauration achevé.

Fondation Mérimée (F. M.) : Pouvez-vous nous parler de votre
parcours ?

Anna Beaumont (A. B.) : J’ai commencé après le lycée une double licence en anthropologie et archéologie à l’université de Durham, en Grande-Bretagne. Je me suis ensuite spécialisée en anthropologie de la santé et en paléopathologie, qui est l’étude des maladies grâce à l’analyse des restes humains. Cependant, ne souhaitant pas m’orienter vers la recherche, j’ai par la suite cherché une ouverture vers un métier plus manuel. La conservation-restauration m’est alors apparue comme une évidence. J’ai commencé ma formation de restauratrice du patrimoine en Angleterre et fait différents stages pour découvrir le métier. En 2021, je suis entrée en troisième année à l’Institut national du patrimoine avec pour spécialité le métal.

F. M. : Avec le soutien du Crédit Agricole d’Ile-de-France, la Fondation Mérimée vous a attribué une bourse pour mener à bien votre projet de fin d’études. Pouvez-vous nous le présenter ?

A.B. : À l’Institut national du patrimoine, la dernière année de master est entièrement dédiée à un travail de recherche et de restauration sur une œuvre. J’ai choisi de travailler sur une statuette-portrait réalisée par Jean-Auguste Barre en 1847. Cette statuette en laiton, or et argent, représente Elisabeth Félix, plus connue sous le nom de Mademoiselle Rachel, tragédienne entrée à la Comédie-Française en 1838. L’œuvre est conservée au musée Carnavalet mais son état de conservation ne lui permettait pas d’être exposée dans les salles du musée car elle présentait des traces de corrosion sur le visage, un ternissement de l’argent ainsi qu’une perte d’éclat au niveau des drapés.

© Photo Institut national du patrimoine.

F. M. : Pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette statuette et de son modèle ?

A.B. : Les statuettes-portraits étaient particulièrement en vogue dans les années 1830-1840. Réalisées en série, elles étaient appréciées comme objets de collection. Il était fréquent de réaliser le portrait de personnalités politiques ou, comme c’est le cas de Mademoiselle Rachel, d’artistes populaires.

L’œuvre que j’ai restaurée a appartenu à Dinah Felix, la sœur cadette de Mademoiselle Rachel, qui légua l’œuvre au musée Carnavalet au début du XXe siècle. Fille de marchands ambulants, Mademoiselle Rachel est repérée dans la rue alors qu’elle chantait. Elle commence les cours de théâtre et monte rapidement sur scène. Elle entre à la Comédie-Française en 1838 et devient très populaire. Elle part en tournée en Allemagne, Autriche, Espagne, Pays-Bas ou encore en Russie, où elle est acclamée. Elle meurt tragiquement de la tuberculose à l’âge de 36 ans. 

F. M. : Pourquoi avoir sélectionné cet objet pour votre projet de fin d’études ?

A.B. : Je pensais initialement restaurer un objet en métal peint, comme une enseigne par exemple. Je me suis tournée vers le musée Carnavalet qui en conserve une importante collection. J’ai rencontré la conservatrice du musée et c’est elle qui m’a présenté la statuette de Mademoiselle Rachel. Le coup de cœur a été immédiat, d’autant plus que je pratique moi-même la musique et la danse, donc cela faisait sens. Par ailleurs, l’œuvre était très abimée et avait réellement besoin d’être restaurée, c’était un beau challenge !

F. M. : Quelles ont été les différentes étapes de la restauration ?

A.B. : J’ai dû réaliser deux traitements pour parvenir à éliminer les traces de ternissement et de corrosion présentes sur la statuette. Un premier traitement chimique, sous forme de gel, assez doux et graduel, s’est révélé très efficace sur les surfaces dorées. Cependant, sur les surfaces en argent, un traitement mécanique par abrasion a été nécessaire. Comme cette méthode est plus risquée, j’ai d’abord réalisé des tests sur du plexiglas puis de l’argent afin d’observer la réaction des outils avec les matériaux. Je devais à tout prix éviter l’apparition de rayures. Cela a été une étape très exigeante, j’avançais lentement car je vérifiais après chaque geste l’état de la statuette. Je suis finalement parvenue à éliminer la grande majorité du ternissement et la restauration de la statuette s’est terminée par un gommage et un dégraissage.

Après plusieurs mois de restauration, nous avons aujourd’hui une meilleure lisibilité de l’œuvre et percevons davantage la minutie du travail du sculpteur, notamment sur les détails et les différents effets de brillance.

 

© Photo Institut national du patrimoine.

F. M. : Vous avez également mené une étude technico-scientifique à partir d’une problématique identifiée dans le cadre de la restauration de cette statuette. Quel était votre sujet d’étude ?

A.B. : La problématique que j’ai identifiée est la sensibilité des objets en argent aux composés soufrés, qui nuit à leur conservation et est notamment responsable de leur ternissement. Or on constate fréquemment dans l’air une faible présence de soufre et ce, même dans les institutions muséales. L’objectif de mon étude technico-scientifique était donc d’analyser et de comparer les différents adsorbeurs de polluants pour les produits soufrés, qui sont une alternative à l’application d’une couche de protection sur l’objet. En effet, pour limiter l’effet du soufre sur l’argent, il est fréquent d’appliquer des vernis protecteurs sur les œuvres mais ce procédé n’est pas toujours indiqué. Dans le cas de la statuette de Mademoiselle Rachel, par exemple, l’application d’un vernis sur la surface aurait pu avoir pour effet d’altérer la brillance des surfaces et donc de nuire à l’esthétique de l’œuvre telle que voulue par le sculpteur à l’origine. Mon travail de recherche a donc consisté à comparer des produits adsorbants. J’ai notamment trouvé des granules et poudres capables d’absorber le soufre et qui ont l’avantage d’éviter l’application de produit sur la surface de l’œuvre car celles-ci peuvent simplement être disposées à côté de l’objet, dans une vitrine d’exposition par exemple.

F. M. : Que vous a apporté la bourse d’études de la Fondation Mérimée ?

A.B. : Les bienfaits de cette bourse d’études ont été nombreux ! Tout d’abord, elle m’a permis d’acheter du matériel et de commencer à constituer ma boîte à outils pour mes débuts en tant que restauratrice du patrimoine. J’ai ainsi pu restaurer la statuette de Mademoiselle Rachel en grande partie avec mes propres outils.

Au-delà de l’aide matérielle, cette bourse d’études m’a permis de vivre une situation plus sereine pour ma dernière année de master. Jusqu’à présent, j’avais toujours dû travailler en parallèle de mes études mais, grâce à la bourse, j’ai pu me libérer de mon emploi étudiant et ainsi me consacrer pleinement à mon travail de restauration et à mon mémoire de recherche.

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